éclairage sur "La Nature Morte avec le portrait de Mimi"

La Nature Morte avec le portrait de Mimi, datée de 1889-1890, est une œuvre expérimentale. De façon abstraite, la découpe violente de la nappe blanche occupe la majeure partie de l’image, la petite fille étant décentrée, en accord avec l’esthétique « synthétique » et sous l'influence des estampes japonaises. Les fruits sur la table ont les couleurs stridentes, « choisies pour leurs valeurs expressives », des natures mortes peintes par les artistes de ce mouvement dans ces années-là.
Cette oeuvre provient de la collection Marie Henry, elle a figuré dans la vente de l'hôtel Drouot, à Paris, du 24 juin 1959 sous le titre: "Nature morte, deux plats de fruits, à droite profil de Mimi" N°78
Le peintre Jacob Meyer de Haan:
Né en 1852 dans une famille juive aisée de biscuitiers d’Amsterdam, Meyer de Haan débute dans un style influencé par Rembrandt et l’art hollandais du XVIIe siècle. Blessé par de mauvaises critiques parues dans la presse hollandaise, il partit pour Paris en 1888, et partagea un appartement avec Théo Van Gogh, pendant quelques mois, d'octobre 1888 à avril 1889. Celui-ci le recommanda à Pissaro et à Gauguin. Il rejoignit ce dernier en Bretagne et l’aida financièrement. Il adhéra vite au style que venaient d’inventer Gauguin, Emile Bernard, Paul Sérusier et Laval. D’octobre à décembre 1889, la bande d’amis décora le restaurant de Marie Henry au Pouldu, et Meyer de Haan tomba passionnément amoureux de l’aubergiste. Elle n’était pas mariée et avait déjà une fille surnommée Mimi. Lorsqu’il fit le projet d’accompagner Gauguin à Tahiti, sa famille lui coupa les vivres. Il quitta la Bretagne en octobre 1890, confiant ses tableaux à Marie Henry. Leur fille naquit en juin 1891. Meyer de Haan est encore signalé à Paris au début 1891 puis en Hollande à partir de 1893 ; on ignore presque tout de ses dernières années. Il ne subsiste de sa période bretonne qu’une trentaine de toiles provenant de la vente des héritiers de Marie Henry en 1959.
Mimi:
Mimi est le surnom de la première fille de Marie Henry, elle est née à Clohars-Carnoët le 28 février 1889 au lieu dit Les Grands Sables. Comme Marie ne fait pas immédiatement la déclaration de sa naissance. Suite à des rumeurs d'infanticide, on lui envoie les gendarmes. La naissance est finalement déclarée en date du 4 mars 1889 et est portée sur les registres de l'état civil le 6 mars (cliquez pour voir le registre). Elle se prénommera Marie Léa, et ne sera pas reconnue par son père.
Elle sera baptisée le 25 mai de la même année, avec pour marraine Jaquette Richard et pour Parrain Laurent Brangoulo de la ferme de Kerzellec, qui deviendra Maire de Clohars-Carnoët le 15 mars 1892.
Léa deviendra institutrice, elle épousera un marin, Louis Hollichon le 8 janvier 1917 à Moëlan-sur-Mer et décédera le 26 mars 1981 à Gonneville-sur-Mer dans le Calvados.
Marie Henry partagera sa collection entre ses deux filles en 1925 et rejoindra l'aînée Léa qui enseigne à Toulon. Suite aux bombardements de Toulon en 1945, la maison de Marie Henry est soufflée, Marie est grièvement blessée à la tête. Elle décédera le 2 janvier 1945 chez les sœurs à Pierrefeu-du-Var , des suites de ses blessures.
Cette nature morte ne sera pas la seule représentation de Léa, d’autres œuvres auront aussi pour sujet la petite Mimi. (la suite au prochain article)